Je pense à autre chose pendant l’amour, c’est grave docteur ?

Que celui ou celle qui ne s'est jamais laissé(e) distraire pendant l'acte sexuel lance la première pierre ? Si le manque de concentration se reproduit, faut-il y voir le signe d’une perte d’amour ou d'envie ? Cécilia Commo, psychanalyste-sexologue et thérapeute de couple, nous dit tout.

Il y a celui qui complète sa liste de courses, il y celle qui prépare le powerpoint mental de sa réu de demain ou encore celui qui angoisse à l’idée d’oublier de payer les impôts en temps et en heure, et bien sûr ceux qui s’imaginent dans les bras d’un(e) autre…
Est-ce normal de penser à autre chose pendant qu’on roucoule sous les draps ? Se laisser distraire au moment des galipettes met-il en danger mon couple ?
Cécilia Commo, psychanalyste-sexologue et thérapeute de couple nous éclaire, nous conseille et surtout, nous rassure.

S’égarer dans ses pensées pendant l’acte sexuel est tout à fait naturel

Les idées qui viennent s’immiscer dans nos pensées au moment où elles sont le moins appropriées peuvent relever de choses simples et pratiques comme – j’ai oublié d’acheter le pain pour le dîner de ce soir – de projections séduisantes – “vivement notre petite escapade du week-end” – ou de petits égarements liés à la situation – “il faut que je file aux toilettes après le câlin, sinon gare à la cystite !”

Selon la psychanalyste-sexologue Cécilia Commo, s’évader un peu lors de nos parties de jambe en l’air relève de la normalité :
“Je ne connais pas une personne qui pourrait dire que ça ne lui est jamais arrivé ! Mais il faut distinguer deux types de scénarios : celles et ceux qui pensent à la liste des courses, et celles et ceux qui se concentrent sur leurs fantasmes. Les deux sont normaux mais très différents, et ils ne signifient pas la même chose”.
Le problème c’est que toutes ces pensées parasites nous mènent à la culpabilité; selon Cécilia Commo, il faudrait reconnaître et appréhender notre incapacité à nous s’inscrire dans l’ici et le maintenant’ et apprendre à s’abandonner pour enfin se familiariser avec le ‘lâcher-prise’.

Charge mentale ou ennui : comprendre le pourquoi de nos pérégrinations

La fameuse charge mentale décriée à tout va, pourrait expliquer en partie ce besoin d’escapade pile au moment des caresses.
Des cerveaux rationnels supra-connectés, impliqués dans un “travail de gestion, d’organisation et de planification incontournable et constant, avec pour objectif de satisfaire pleinement les besoins de chacun et la bonne marche de son propre foyer”*… En effet, comment parvenir à se connecter à son corps et à ses sensations dans un quotidien minuté et rythmé comme un métronome ?
* Définition proposée par la chercheuse Nicole Brais (Université Laval, Québec).

Selon la psychanalyste Cécilia Commo, il y aurait par ailleurs un grand nombre de personnes et plus particulièrement des femmes qui s’évaderaient par la pensée pour s’extirper d’une sexualité dans laquelle elles s’ennuient vraiment : « Il y a des couples où le plaisir est moyen, la pratique et la sensualité aussi… donc tout devient très tiède. (…) Malheureusement, pour la paix des ménages’, elles décident quand même de faire l’amour, pour faire plaisir à leur conjoint, en se disant que le sexe est un liant dans le couple, mais ce n’est pas du tout la bonne solution ! D’abord parce que le partenaire n’est pas dupe : quand la personne en face est perdue dans ses pensées, on le sent. Ensuite, parce qu’il ne faut jamais se forcer à faire l’amour, et qu’il vaut mieux communiquer”.

Apprendre à se servir de nos balades mentales pour booster l’imagination

Puisque la pensée se fait la malle au moment inopportun pour des sujets pas toujours glamours, pourquoi ne pas devenir maître de nos préoccupations et mettre le flot de nos agitations mentales au service du fantasme. Le territoire érotique trouve son terreau dans l’imagination, alors à nous les petites histoires coquines : scénarios audacieux complexes ou plus simplistes, à deux, à trois, avec le barbier du coin, nu, déguisé(e) en marin, tout est envisageable…

La thérapeute est catégorique, se servir de son imagination pendant l’acte est une idée excellente, ce serait même le secret des couples qui durent : « Que ce soit un scénario complexe avec un autre partenaire, à plusieurs, dans des lieux insolites, ou un scénario très simple lié à sa peau, son souffle, son odeur, cela fait partie de l’érotisme” (…) “Après 15 ou 20 ans ensemble, si vous attendez que votre vagin s’enflamme sur le canapé en regardant Netflix, il y a peu de chances pour que ça arrive, mais si vous vous autorisez à vous balader un peu dans votre tête, c’est une rampe de lancement pour l’excitation ! Ce n’est pas faire offense à l’autre, il faut même cultiver ça ».

Est-ce que prendre la poudre d’escampette mentale pendant l’acte est-il dangereux pour mon couple ?

N’y a-t-il pas un risque à fantasmer sur des situations/personnes extérieures à notre couple ?
Selon Cécilia Commo tout est question de périodicité, même si elle nous encourage à éveiller nos fantasmes, elle insiste sur le fait que “le sexe et l’amour ne se nourrissent pas au même endroit”.

Tout est question d’équilibre, “si sur dix rapports sexuels, il y en a six ou sept où vous considérez que vous n’êtes pas vraiment là, il faut se poser la question. Mais s’il vous est arrivé de partir dans vos pensées deux ou trois fois ces derniers mois, il n’y a aucun souci. Tout fluctue. Faire l’amour n’est pas une activité obligatoire. Si l’on n’est pas disponible pour la sexualité, il vaut mieux ne pas faire semblant de l’être. L’essentiel est d’en parler et de rassurer l’autre sur sa désirabilité”.
Et pour tous ceux qui souhaitent parvenir à se connecter à leurs sensations pour un lâcher-prise réel au moment de l’acte, voici quelques conseils.

Se recentrer sur son plaisir pour mieux ressentir

On s’y prend comment pour faire taire tout ce brouhaha intérieur ? La thérapeute Cécilia Commo nous aiguille :  “Je propose aux personnes concernées de s’accrocher à leur respiration ou à la respiration de l’autre. En mettant la main près de l’oreille, en s’écoutant respirer lentement, au bout d’un moment le cerveau sera moins opérationnel pour des pensées rationnelles. Quand on sent qu’on décroche un peu, on se reconcentre sur la respiration, comme une espèce de vague. C’est le seul moyen d’éviter les ‘demain je me lève à 7 heures’, ‘faut pas que j’oublie de préparer ma réunion’ : on ne peut pas travailler et faire l’amour en même temps”.

Les accessoires sensuels peuvent vous aider en ce sens et vous faire partir à la découverte de vos propres ressentis. Ils vous aideront à établir une connexion intense avec le moment présent, tout en vous détachant des mauvaises pensées. : on allume une bougie de massage sensuel et on se laisse enivrer par ses senteurs exotiques, on caresse l’être aimé à l’aide d’un plumeau tout doux en plumes véritables, on lui bande les yeux pour lui faire perdre tous ses repères, on lui menotte les mains pour l’asservir …

En recentrant vos pensées sur les caresses, sur ce que vous ressentez, sur le souffle de l’autre, son grain de peau, son odeur ; vous n’êtes plus spectateur (trice) mais vous vivez le moment pleinement dans une espèce de synchronisation optimale où l’apaisement prend vie quand le bavardage intérieur cesse enfin. A bon entendeur. 

À propos de l’auteur
Audrey
Couteau-suisse née à la curiosité insatiable, Ludivine a vogué d’aventures professorales en aventures ‘it mode’, le coeur toujours chantant. Lors de ses pérégrinations aventurières, les mots sont toujours restés le supplément d’âme nécessaire à sa santé mentale, bienvenue dans une des pièces fétiches de son cabinet de curiosités.

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